En Normandie aussi, le local bio diversifié fait recette
Parmi les finalistes des Trophées de l’Excellence Bio en 2019, Les Chênes de Caux, en Seine-Maritime, sont la première pépinière horticole et maraîchère bio de la région. Un lieu atypique où se croisent particuliers et professionnels.
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Ils ont osé ! Pas encore trentenaires, Paul et Jean-Baptiste Bellili ont transformé le champ de leur grand-père, ancien éleveur de bovins à Valliquerville (76), en production de plantes locales dans une microferme en agroécologie. Aux Chênes de Caux, il est possible d’acheter en direct des végétaux d’ornement, des plants potagers, des légumes, des jus de fruits, des œufs… le tout en local et en bio.
Loin des sentiers battus, le modèle économique choisi par les deux frères n’entre pas dans les cases. Et pour cause ! Au départ, c’est une idée qui trotte dans la tête de Jean-Baptiste depuis ses 18 ans : créer un arboretum et une pépinière d’essences locales afin de faire revivre la campagne arborée du pays de Caux. En 2015, le projet prend vie. À 24 ans, avec son BTS d’aménagement paysager, il est responsable de rayon pépinière dans une jardinerie de la région. Paul, son frère cadet de deux ans, forestier de formation, travaille, lui, dans la grande distribution.
Pour commencer, ils décident de planter des essences locales sur le terrain de l’ancienne ferme familiale. En deux hivers, plus de 1 500 arbres et arbustes sont ainsi mis en place pour structurer et protéger les futures cultures. Des haies d’espèces sauvages d’arbustes fruitiers sont constituées. Ces pommiers, poiriers, cormiers... serviront d’ailleurs plus tard à la fabrication de jus de fruits. En effet, le modèle économique mûrit en même temps que les deux frères et leurs activités vont très vite se diversifier.
Produire, toujours en petites quantités
Logique, tout le vivant est en interaction : « Il faut tirer profit de ce qui nous entoure, en le respectant, pour que l’écosystème que nous essayons d’installer ici ne se déséquilibre pas », sourit Jean-Baptiste.
La SARL est créée en mai 2017. Une forme juridique qui permet la polyactivité. Installé dans l’ancienne étable en bois, le « coin de la mère et son petit » devient son bureau. Il y met au point les catalogues de plantes ornementales, très diversifiées, organise la production, toujours en petites quantités, et développe les ventes aux particuliers. Paul le rejoint à plein temps l’année suivante et introduit les plants potagers et le maraîchage. Les professionnels, intéressés par certains légumes locaux, passent des contrats de culture. Transformés à l’extérieur, des jus de pommes, issus de variétés à cidre au goût unique, enrichissent l’offre différenciante de l’entreprise.
Ainsi, une activité est maintenue toute l’année, même si le « trou » de janvier à mi-février ou début mars, selon la météo, est inévitable, surtout en culture bio. L’élaboration de produits de qualité pour le plus grand nombre, respectueuse de son environnement, gérable par deux personnes qui en vivent dignement, tel est le credo des frères Bellili. Un travail reconnu en 2019 par l’Agence Bio, qui les sélectionne pour ses trophées.
Les plantes sont cultivées entièrement à la main, en pots, dans un terreau à base de lin et de fumier de cheval. À ce jour, la diversité végétale, en petites quantités, et la météo ont préservé l’exploitation des maladies ingérables par des méthodes naturelles. En ce qui concerne les ravageurs, des oies ont été introduites afin d’entretenir le terrain. Elles sont des tondeuses idéales en maintenant des zones rases, sans abris pour les rongeurs et favorables aux rapaces. Et pas de ferme sans poules ! Elles sont lâchées dans les légumes en cas d’invasion d’insectes et leurs œufs complètent l’offre aux clients. Une faune s’est installée, avec « un cheptel non maîtrisé, dont un renard qui nous fait grand bien en nous débarrassant des rats sans toucher à nos poules en liberté ! » apprécie Jean-Baptiste.
Un circuit ultracourt... à l’improbable point de vente !
Quant à la commercialisation, la question du sens, si fréquemment invoquée par les « marketeurs » pour toucher tant les jeunes générations que les « nouveaux consommateurs », prend ici justement toute sa signification ! Quoi de plus court que ce circuit, de plus direct que ce point de vente… improbable ?
L’engouement « nature » ne cesse de progresser, selon certains observateurs. Ainsi, l’esprit « foires aux plantes », auxquelles participent aussi Les Chênes de Caux, est bien présent dans cette installation sur l’herbe ! Certes, le climat normand impose certaines tenues étanches mais c’est la campagne… Foin des magasins aseptisés ! Ici, on achète ses plantes au milieu des oies qui pâturent le sol et des poules qui se promènent de l’autre côté des barrières de bois. Qui fait mieux dans la proximité ?
Aujourd’hui, sans vrais débouchés de marché pour les arbres d’essences locales, les producteurs se concentrent sur la diversité des vivaces et les chênes en pépinière ornementale, et surtout sur le jardin vivrier. Les plantes aromatiques ou encore les légumes perpétuels font un lien naturel avec la production maraîchère, tandis que les plantes « belles et bonnes » deviennent un axe de développement important, à l’instar des agastaches ou des monardes comestibles. Depuis trois ans, « un gros marché s’ouvre en aromatiques. Le bio n’est légitime auprès des consommateurs que pour l’alimentaire », estime Jean-Baptiste Bellili. Avec déjà 450 variétés cultivées, dont 30 de thyms, 150 seront ajoutées, ainsi que de nouveaux petits fruits, rassasiant ainsi la collectionnite aiguë des deux frères ! Cependant, la rationalisation du catalogue est à l’ordre du jour pour les autres productions, dans l’objectif de garder un équilibre rentable.
Isabelle Cordier
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